Empyrium - Helrunar - Nouveau Casino - Paris - 04/10/2018 - Compte-rendu


MELANCOLIE - MON COEUR EST TIEN
Empyrium joue pour la première fois à Paris

"She dwells with Beauty—Beauty that must die/
Elle habite avec la beauté - la beauté qui doit mourir"
Ode à la Mélancolie - John Keats - 1819

Le groupe Empyrium a enregistré quatre excellents albums entre 1996 et 2002 puis a décidé d'arrêter. Reformé en 2010, Empyrium a fait quelques très rares concerts, dans des lieux spécifiques. J'avais eu la chance, avec ma compagne, d'assister à leur troisième concert. C'était en 2013 dans le cadre grandiose de l'église Passionskirche à Berlin (ici). Empyrium a depuis publié un nouvel album en 2014 et prend visiblement plaisir à sa reformation. La chance de les voir en concert est dorénavant accessible à un public moins confidentiel (le groupe s'est produit en 2016 au très couru festival Hellfest) et les prestations se font moins rares. Si le concert à Paris ce soir n'est pas dans le cadre auguste d'une église, Empyrium a choisi une des toutes meilleures salles de concert de la capitale, à savoir l'excellent Nouveau Casino. Ni une ni deux ma compagne et moi nous y allons.


Occupés à d'autres activités, nous n'assistons pas à la prestation de Sun of the Sleepless qui ouvrait la soirée et nous arrivons dans la salle à huit heures lors du changement du matériel sur la scène. Nous saluons les amis. C'est un verre de vin rouge à la main que assistons au début du concert de Helrunar.


Je découvre le groupe Helrunar. Le duo se produit ce soir avec l'apport de trois autres musiciens. Le son est fort bon et permet d'apprécier des riffs bien ficelés. Une partie du public rentre en communion. Votre serviteur attend en vain qu'un frisson advienne. Les morceaux défilent, mid-tempo, parfois plus rapides. Rien n'y fait. Pas la moindre trace d'un seul des fluides propres à un concert. Ni sueur, ni larme, ni semence, ni sang, ni salive. Quelques spectateurs baillent. Un grand blond s'énerve, bouscule ses voisins et harangue le chanteur. Ce dernier, dans un français impeccable, lance un "Ta gueule" qui a le mérite de me sortir de mon ennui. Je me surprend à bouger de la tête sur les derniers morceaux. Que ce concert fût long (prêt d'une heure trente). Au final je ne comprends pas pourquoi Helrunar a bénéficié d'une telle exposition.

Dans leurs dernières années d'adolescents, deux jeunes allemands, Markus Stock et Andreas Bach, composent et publient une démo et deux albums sous le nom d'Empyrium. Le second album, sorti en 1997, a pour titre "Songs of Moors and Misty Fields", chansons de landes et de champs brumeux. Un album profond et solennel qui sublime l'alliage de sonorités doom, black et folk. Ce soir une cérémonie a lieu pour célébrer cet album. Des chandeliers sont installés sur scène. L'encens brûle. La question est de savoir comment Markus va faire pour remplacer deux acteurs de la sonorité du fameux album, qui ne font plus partie du groupe actuel : Andreas Bach et ses claviers et Nadine, qui avait habillé l'album des sonorités de sa flûte et de son violoncelle. Thomas Helm, qui a rejoint Markus a
près le départ d'Andreas, n'est pas de la partie ce soir. Il est vrai que Thomas a apporté à Empyrium de toutes nouvelles couleurs sonores, avec sa voix de ténor et son piano. La réponse se dévoile sous nos yeux : Markus choisit comme compagnons de soirée des alliés des précédentes incarnations sur scène d'Empyrium : Eviga Dornenreich à la guitare, Aline Deinert au violon; Allen B. Konstanz à la batterie et, nouvelle tête, Martin à la basse. Sans claviers, sans flûte, sans violoncelle, ces musiciens vont réussir l'exploit de réinterpréter la musique d'Empyrium sans la dénaturer. Un véritable tour de force car ces morceaux n'ont jamais été joué auparavant par un groupe, Markus assurant à lui seul les guitares, la basse, la batterie et les vocaux sur les disques. Allez, deux bémols avant de vous narrer mon ressenti. Le son des guitares était un peu criard ce soir, surtout lors des arpèges. Pas très gênant mais surprenant venant d'un groupe si musical. Sinon j'avais devant moi un couple qui a parlé tout du long et derrière moi un trio qui a fait de même. Va comprendre.
 

Le concert démarre par l'immense "Mourners". Le violon remplace la flûte de la version d'origine. Le riff implacable, le prodigieux chant grogné, nous sommes emportés loin dans les profondeurs du chagrin alors que l'orchestration nous emmène vers des sommets d'ardeur. Vingt ans ont passé et la musique d'Empyrium reste d'actualité. Les musiciens jouent avec passion et humilité. Les thèmes sont la beauté, la mélancolie, la nature, le romantisme. La musique d'Empyrium est marqué par ses racines rurales."Combien de fois la lune a-t-elle brillé - reflétée dans ces lacs noirs?". La musique doom s'imprègne de folk. "The Blue Mists of Night" démarre dans la fulgurante rapidité du black metal. Les vocaux écorchés cèdent rapidement la place le temps d'un magique ralentissement du rythme. La guitare plaintive ouvre la voie à des envolées vertigineuses. "Vents silencieux, murmurez-moi vos chansons de solitude et de joie". Le groupe réinterprète à merveille les sons d'origine, remplaçant à propos les instruments manquants, tout en restant fidèle au matériau. "The Franconian Woods in Winter's Silence" est issu du premier album. Un rythme lent, contemplatif, traversé d'un éclair black metal. "Au-dessus de la forêt plane la tranquillité, juste des vents glacés qui murmurent, comme si une robe de velours enveloppait mon cœur saignant". Markus utilise ce soir ses trois chants d'origine, le chant écorché, le chant gothique et le chant murmuré, tout en négociant dorénavant des passages plus nuancés entre les trois styles. Second extrait du premier album, voici "Under Dreamskies" et son fabuleux riff mélancolique fort entraînant. "Laisse moi rêver de lacs de cristal, éclairés par le soleil, la lune ou les étoiles". Le morceau change plusieurs fois de rythme, toujours surprenant et inventif. Retour au second album avec "Lover's Grief" et son introduction à briser le coeur. "Ni la lune ni les étoiles ne révèlent leur lumière cette nuit... Et la pluie continue de tomber dans mon âme". La ligne de guitare est à pleurer, le ralentissement avec son riff doomesque est à tomber. Quelle magie ce soir, même l'absence du passage d'origine avec le sublime piano est surmonté en live par la passion qui emporte le groupe. Quel autre groupe a atteint une telle intensité dans l'évocation de la tristesse ? "The Ensemble of Silence" est un autre morceau épique, empli d'émotions. "Dans l'ivresse de la solitude je ne crains plus les royaumes solennels de la mort". Ces titres ont été composés par deux jeunes hommes, alors âgés de 17 à 18 ans. "My Nocturnal Queen" nous entraîne encore plus loin, à l'époque de la démo "...Der Wie Ein Blitz Vom Himmel Fiel...". Markus a alors 16 ans. Après une courte sortie de scène, "Ode to Melancholy" clotûre la soirée. "Mélancolie - toujours mon désir pour ton précieux nectar tragique... Emmène-moi dans ta vallée ! Où la douleur est grande et la joie aussi". Sombre et majestueux. Quel rare plaisir que d'entendre la magnificence de la musique d'Empyrium en concert. Quelle soirée sidérante de beauté et d'originalité. Que de belles émotions.


Setlist Empyrium :
  1. Mourners
  2. The Blue Mists of Night
  3. The Franconian Woods in Winter's Silence
  4. Under Dreamskies
  5. Lover's Grief
  6. The Ensemble of Silence
  7. My Nocturnal Queen
  8. Ode to Melancholy

Photo ci-dessus : Jürgen Holzhausen
Empyrium - Helrunar - Nouveau Casino - Paris - 04/10/2018 - Compte-rendu Empyrium - Helrunar - Nouveau Casino - Paris - 04/10/2018 - Compte-rendu Reviewed by Concerts expos by Pat on octobre 11, 2018 Rating: 5

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